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Le lendemain de la Toussaint un petit groupe d’Arcépiens avait choisi de visiter le cimetière de Terre Cabade.
Le cimetière de Terre-Cabade, dont le nom provient sûrement de « cavade », terre excavée du sol, a été officiellement ouvert en 1840. C’est Urbain Vitry qui en fut l’architecte. Il s’inspira grandement du cimetière du Père Lachaise (jardin aux allées sinueuses, végétation abondante, pour respecter l’intimité des familles venant se recueillir). Il fit aussi réaliser la majestueuse entrée flanquée de deux obélisques et ornée de deux pavillons symétriques à colonnades et chapiteaux palmiformes réalisés en briques taillées : un petit bout d’Egypte à Toulouse ! C’est d’ailleurs ces deux obélisques, visibles de très loin, qui sont à l’origine de cette expression lorsqu’une personne était décédée : « elle a franchi les portes du 11 ».
A la suite de notre guide, nous avons débuté notre visite par la tombeau de Castelbajac qui contient la dépouille de Léontine de Villeneuve (1803-1897), qui fut le « dernier amour » de Châteaubriand ( il avait 60 ans, elle 25 !), qu’il appelait dans ses écrits « L’occitanienne »
Sa plaque passe inaperçue, accrochée à la tombe de ses bienfaiteurs. Pourtant le nom de Cécile Combettes fit la une des journaux pendant plusieurs semaines. Le corps de cette brodeuse de 15 ans fut retrouvé mutilé en 1847 près du couvent de Saint-Aubin. Le frère Léotade fut accusé du crime et envoyé au bagne alors qu’il était innocent, le vrai coupable étant un autre frère.
L’histoire de la charcutière Paloubart est émouvante. Cette femme a perdu son fils lors de la première guerre mondiale. Pour lui offrir un mausolée, elle a travaillé jusqu’à son dernier souffle.
Il est obligatoire, lorsque l’on visite Terre Cabade, de faire un détour pour aller auprès du tombeau le plus couru : celui d’Hélène SOUSTADE, appelée Sainte-Hélèna sans jamais avoir été canonisée. « Cette institutrice est une gloire locale, invoquée pour la réussite aux examens », nous dit notre guide Isabelle. Son tombeau est couvert d’ex-voto, d’innombrables fleurs naturelles ou artificielles. Il s’agit là de ce qu’il est convenu d’appeler une « canonisation populaire ». Ce qui est plus étonnant, c’est qu’on ne sait rien de sa biographie, mais son acte de décès indique qu’elle était institutrice. Elle serait devenue religieuse à l’âge de 42 ans. Sa « sainteté » serait attestée par deux miracles.
Mais ce n’est rien à côté du monument construit en mémoire de celui que l’on appela « le père de la houille blanche »,l’ariégeois Aristide BERGES. Il a été le premier à utiliser la force de l’eau pour produire de l’électricité . L’imposant monument, en forme de Temple antique ruiné, est de Olivio Chiattone, de Lugano.
Il n’a rien à envier au fastueux mausolée de marbre noir des époux DUCIS. Sans héritier, ils ont fait don à la ville de leurs deniers, à condition de ne pas oublier d’édifier leur dernière demeure comme il se doit. Pierre et Jeanne DUCIS : lui fut artiste de théâtre à Toulouse, elle était fille d’un directeur de salle. Ils devinrent gérants des Casinos de Nice et de Menton, et propriétaires du Casino d’Enghien. Couple de philanthropes, ils fondèrent également diverses œuvres. Ils reposent dans un caveau noir massif où existait anciennement un étonnant squelette qui, après avoir été décapité, fut enlevé.
A proximité de la longue plate-bande de troènes, qui matérialisent les tombes des noyés de la grande inondation de 1875 (on dénombra 208 victimes et 1219 maisons détruites, particulièrement dans le quartier Saint Cyprien), il n’est pas rare d’y croiser des chats. Une association a eu la bonne idée de les installer là où personne ne viendra les déranger.
Très abîmée et adossée contre un arbre, la stèle Savanac serait celle de la première personne enterrée au cimetière le 16 juillet 1840.
Au hasard des allées, nous déambulons au plus près des gloires toulousaines :
Joseph MALARET : maire de Toulouse. Il fut l’arrière-grand-père des « Petites Filles Modèles », Camille et Madeleine de Malaret, par le mariage de son petit-fils, Paul, avec Nathalie de Ségur, fille de la Comtesse. Une tradition de famille veut que ce soit chez les Malaret, à Toulouse, que le Prince Louis Napoléon ait rencontré la future impératrice Eugénie.
Armand DUPORTAL, fondateur du journal « L’émancipation « déporté du 2 décembre 1851, Préfet de la Haute-Garonne. Il fut député du département de 1876 à 1887
La famille GISCARD est une famille de sculpteurs et manufacturiers toulousains, producteurs d’ornements architecturaux en terre cuite. Avec les Virebent dont ils étaient les concurrents, la manufacture Giscard est à l’origine de la plupart des ornements de l’architecture néo-classique toulousaine. Dans ce caveau de famille repose, parmi d’autres membres de la famille, Henri GISCARD (1895-1985), qui fut second prix de Rome.
Jacques Pascal VIREBENT (1746-1831) fut le fondateur d’une lignée d’architectes et fabricants d’ornements architecturaux de Toulouse. Il contribua à transmettre le patrimoine architectural toulousain, et conçut le dessin d’ordonnancement des façades sud et nord de la Place du Capitole, qui devint un modèle du genre. Avec lui repose en particulier son fils Auguste (1792-1857), architecte, qui fut le fondateur, avec ses frères , de l’atelier de céramique de Launaguet (1831) qui, pendant plus d’un siècle, fournit à tant de maisons de la ville leurs ornements de terre cuite.
Dans le tombeau CABANIS repose Gaston (1813-1847), qui fut maire de Toulouse et député du département. Il s’agit du tombeau de famille du romancier et académicien José Cabanis, qui ne repose pas ici mais est inhumé au cimetière de Lasbordes de Balma.
Le peintre François GAUZI (1862-1933) : condisciple de Lautrec à l’atelier Cormon, son meilleur ami pendant plus de dix années (Lautrec l’a pris comme modèle de nombreuses fois). Il publia Lautrec et son temps, un ouvrage fourmillant de renseignements biographiques sur ce dernier. Il repose avec son beau-frère, le poète Joseph Rozes de Brousse.
Jules LEOTARD (1838-1870) : inventeur du trapèze volant et plus particulièrement de la voltige entre deux trapèzes. Fasciné par le cirque alors qu’il faisait des études de Droit, il rejoignit le Cirque Napoléon (devenu par la suite le Cirque d’Hiver), à Paris, où il fit sa première apparition publique au trapèze volant. C’est lui qui, pour laisser son corps libre de ses mouvements et faire apparaître sa musculature, porta le maillot collant inventé pour ses besoins, nommé depuis le léotard et utilisé par les hommes en gymnastique artistique.
Louis VESTREPAIN (1809-1865) : ouvrier savetier devenu maître bottier, il fit partie de la catégorie des poètes-ouvriers occitans en participant à la renaissance occitane de Toulouse, sa ville natale.
L’explorateur et collectionneur Georges LABIT fondateur en 1893 du musée de Toulouse qui porte son nom et qui est considéré comme l’un des plus anciens musées d’art asiatique de France.
Bernard GRIFFOUL-DORVAL (1788-1861) : sculpteur, il est intimement lié à Toulouse où il vécut l’essentiel de sa vie et où figurent ses œuvres les plus importantes. Il fut également un formateur, comptant parmi ses élèves Falguière.
La chapelle de la famille PAUILHAC-MARSAN, devenue richissime depuis l’association qu’elle fit avec la famille Bardou dans la vente de papier à cigarettes (la fameuse marque Job).
Urbain VITRY, architecte et sculpteur, il fut à l’origine du renouveau de l’enseignement de l’architecture à Toulouse. Son œuvre, immense, marqua la physionomie de Toulouse au XIX siècle et au-delà. Il réalisa des bâtiments communaux, comme les abattoirs, maintenant musée d’art contemporain, l’observatoire de Jolimont, l’amphithéâtre de l’école de médecine (aujourd’hui Théâtre Daniel-Sorano.
Georges ANCELY (1847-1919) : issu d’une famille de joaillier de Toulouse, il prit un très grand nombre de clichés de Toulouse et des communes environnantes, donnant naissance à un véritable patrimoine photographique d’autant plus de valeur qu’unique.
L’hommage aux Résistants :
Que ce soit le monument aux morts de Philippeville ou celui à la mémoire des deux grandes guerres où figurent plus de 6.900 noms de Toulousains morts au combat, le cimetière plonge le visiteur au cœur de cette partie tragique de l’histoire de la Ville rose. Il permet aussi de rappeler les actes héroïques de certains, notamment ceux des résistants VERDIER dit Forain , assassiné par la Gestapo dans la forêt de Bouconne, Marcel LANGER ou encore de Marie-Louise DISSART à la tête du réseau Françoise qui permit aux aviateurs anglo-saxons de passer la frontière espagnole.
Après une petite halte devant la stèle de Dominique BAUDIS, bien connu des toulousains puisqu’il fut maire de 1983 à 2001, il est temps pour nous de regagner Roquettes, surtout que la pluie, qui nous avait accompagnés pendant toute la visite, redoublait de violence.
Merci à Isabelle notre guide de nous avoir fait découvrir, de la simple pierre tombale aux monuments les plus extravagants, quelques gloires toulousaines.
Colette